Modélisation du plasma magnétron

contact : Tiberiu Minea & Adrien Revel

La décharge magnétron est largement utilisée comme dispositif industriel permettant la croissance et de couches minces assistée par impact ionique. Cette décharge est toujours étudiée de manière fondamentale depuis sa découverte il y a plus de 50 ans. Les ions positifs du plasma sont accélérés vers la cathode (ou cible) entraînant la pulvérisation des atomes qui la composent. Ces derniers vont alors traverser le plasma et se déposer vers l’anode (ou substrat) créant ainsi un dépôt. La particularité du magnétron est la faible pression de travail possible par l’ajout d’un champ magnétique qui piège efficacement les électrons augmentant de fait le taux d’ionisation du gaz (en général l’Argon).

Le LPGP s’attèle depuis de nombreuses années à la compréhension des différents mécanismes à l’œuvre dans le magnétron que ce soit au niveau du plasma ou du transport de la matière pulvérisée. L’une des principales difficultés réside dans l’inaccessibilité des mesures expérimentales au plus proche de la cathode, là où les champs électrique et magnétique sont les plus intenses. 

1.   Modélisation PIC-MCC

L’approche PIC ou Particle-In-Cell est une méthode puissante qui simule numériquement des plasmas ou des décharges de manière auto-cohérente,i.e. en tenant compte de la charge d’espace (répulsion coulombienne, écrantage) et des conditions de frontière (électrodes). Elle est couplée à une méthode Monte Carlo Collision (MCC) pour modéliser les réactions physico-cinétiques telles que l’ionisation, la diffusion ou encore l’excitation.

Le code OHiPIC (Orsay High densityPartice-In-Cell) utilise ces deux approches couplées (PIC-MCC) pour modéliser le plasma des décharges magnétron en régime DC ou impulsionnel. Le code est parallélisé i.e. il peut utiliser plusieurs processeurs simultanément. Il utilise un maillage non-uniforme plus raffiné là où le plasma est le plus dense alors que les formules de projection sur les nœuds et d’interpolation peuvent être du deuxième ou troisième ordre, suivant les plasmas.

Ce modèle a permis de modéliser le magnétron en régime DC, mais aussi des impulsions courtes (5 µs) à haute puissance (800 V). [1]

 2.   Modélisation cinétique globale

L’approche globale pour modéliser un plasma décrit l’évolution temporelle des paramètres (densités des espèces, températures, etc.), mais en les moyennant spatialement. L’ensemble du plasma est supposé homogène et donc ces modèles sont communément appelés sans dimension ou 0D.

Le plasma magnétron est caractérisé par deux régions, relativement différentes. La principale, de plus haute densité et responsable de la cinétique réactionnelle, est la zone d’ionisation (IR – Ionization Region) qui est définie par le piège magnétique, juste devant la cathode. Le modèle cinétique le plus répandu pour cette région est nommé IRM – Ionization Region Model. La seconde zone, correspond à un plasma de diffusion, de densité moindre et qui est caractérisé par le transport des particules de la cible vers le substrat.

Le modèle IRM pour les magnétrons, et particulièrement la pulvérisation magnétron impulsionnelle haute puissance (HiPIMS – High Power Impulse Magnetron Sputtering) résout simultanément les équations de bilan (création vs. perte) pour les principales espèces composant le plasma (gaz neutre, ionisé, vapeur issue de la cible par pulvérisation, ionisation de la vapeur, création d’états excités, éventuellement dissociation – si les gaz sont moléculaires, etc.) avec l’équation de bilan d’énergie pour les électrons du plasma. Ces électrons peuvent être considérés ayant une seule température, ou bien composés de deux populations suivant l’origine des électrons, chacune caractérisée par sa propre température, notamment en distinguant entre les électrons secondaires issus de la cathode par bombardement ionique et accélérés dans la gaine vers le plasma (électrons énergétiques) et les électrons (majoritaires) produits dans la région d’ionisation (électrons dits ‘froids’).

Récemment, nous avons validé l’approche à deux températures par une comparaison directe entre le modèle IRM et la solution auto-cohérente de l’équation de Boltzmann pour les électrons du plasma magnétron opéré en mode HiPIMS à l’aide du modèle OBELIX (Orsay Boltzmann equation for Electrons, Ions and eXcited states). Le très bon accord est représenté sur la figure 1 ci-dessous. [1]

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Figure 1 – Le modèle autocohérent OBELIX (trait plein) montre bien l’existence de deux populations électroniques, de températures très différentes évoluant durant l’impulsion, et qui sont très proches de celles obtenues par le modèle IRM (trait en pointillé). [1]

3.   Modélisation Monte Carlo

 

L’objectif est, ici, de modéliser le transport des particules pulvérisées de la cible. Les trajectoires de ces particules sont essentiellement soumises aux collisions avec le gaz de travail. En faisant correspondre les fdv (fonction de distribution en vitesse) expérimentales et numériques, il a été possible d’obtenir la section efficace de transfert de moment métal-gaz rare, particulièrement Ti-Ar. Ce travail a permis de mieux comprendre le transport du Titane dans un régime de pression intermédiaire, entre le balistique (sans collisions) et diffusif (régit par les gradients de pression) [2].

[1] A. Revel et. al. 2D PIC-MCC simulations of magnetron plasma in HiPIMS regime with external circuit, 2018, PSST, 27, 105009. doi :10.1088/1361-6595/aadebe

[2] A. Revel et. al. Transition from ballistic to thermalized transport of metal-sputtered species in a DC magnetron, 2021, PSST, 30, 125005. doi : 10.1088/1361-6595/ac352b