Modélisation de l’émission électronique pour la tenue ultra-haute tension et les sources d’électrons

Contact: Tiberiu Minea

Cet axe de recherche du LPGP se concentre sur la compréhension de l’émission électronique de- puis des micro/nano-structures présentes à la surface d’une cathode à haute tension sous vide [1].

 Notre modèle décrit l’émission induite par effet de champ (AC ou DC) avec contribution thermoïonique et inclut dans certains cas une émission photoélectrique. L'ensemble des travaux de modélisation ont en vue deux applications : l’implication de l’émission électronique depuis des aspérités de surface dans le claquage électrique sous vide des dispositifs ultra-haute tension et l’étude des sources d’électrons à effet de champ basé sur des assemblées de micro/nano-émetteurs.

Les résultats les plus marquants ont été réunis dans un livre [1] qui introduit la physique et les principaux phénomènes qui gouvernent l’émission électronique sous fort champ et à haute température. Il présente les approches récentes en modélisation numérique et les développements avancés et constitue une ressource importante pour les étudiants en Master et les doctorants désireux d’approfondir l’émission de champ, la tenue des dispositifs à haute tension, l’irradiation des surfaces par laser, le claquage sous vide, mais aussi pour des chercheurs et industriels dans le domaine des accélérateurs et la physique du solide avec un intérêt pour ces phénomènes.

Tenue haute tension sous vide

Le premier modèle d’émission avait été développé pour évaluer l’émission électronique d’une micro-structure unique. Ce modèle a d’abord été étendu en géométrie 2D à symétrie axiale avec dépendance temporelle et prise en compte de l’auto-échauffement de la micro-structure au cours de l’émission. Les résultats obtenus en collaboration avec le laboratoire GeePS (CentraleSupelec) ont démontré qu’en appliquant un champ impulsionnel (ns), il était possible non seulement d’extraire plus d’électrons de la cathode, mais également d’augmenter la tenue en tension avant claquage. L’écrantage induit par la charge d’espace lors de la thermo-émission assistée par des champs électriques intenses a été étudié et tout en gardant le même courant maximal émis, il a été démontré que la tenue en tension est meilleure lorsque la charge d’espace est présente [2].

La poursuite de ces travaux (Thèse de D.  Mofakhami [3], 2018-2021) a notamment permis –  en raffinant l’évolution temporelle de l’auto-échauffement des émetteurs – de différencier l’évolution stable vers un régime permanent et le développement, sous certaines conditions, d’une instabilité thermique causée par la boucle de rétroaction positive entre chauffage résistif et courant émis. Par ailleurs, une certaine gamme de paramètres a été identifiée pour laquelle la compétition entre chauffage résistif et effet Nottingham devenu refroidissant (à haute température) mène à l’observation d’une bi-stabilité autour d’un champ seuil. Cette bi-stabilité est associée à un saut en température comme le montre la figure 1).

Sources d’électrons à effet de champ basé sur des réseaux d’émetteurs

Par ailleurs, l’extension du modèle en géométrie 3D a ouvert la voie à l’étude des réseaux réels, ou tout au moins réalistes, d’émetteur à effet de champ (FEA pour Field Emitter Array en anglais). Ces arrangements plus ou moins réguliers sont au cœur d’une nouvelle technologie de sources d’électrons à effet de champ qui pourrait à terme atteindre des intensités équivalentes à leurs homologues thermoïoniques, leurs désavantages en moins.

En travaillant à partir de mesures expérimentales indépendantes, nos simulations ont récemment permis d’estimer l’influence de la statistique de croissance d’un réseau d’émetteur sur ses performances d’émissions (cf. 3], Chapitre 6). La figure 2 montre par exemple pour une distribution statistique donnée la contribution relative de chaque émetteur d’un réseau au courant total. Combiné à un modèle de destruction thermique, ce type de simulations pourrait à terme devenir un bon outil pour évaluer les effets des paramètres du réseau sur la robustesse de la source et sa durée de vie.

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FIGURE 1 – Observation d’une bi-stabilité autour du champ seuil Eth pour un émetteur unique hémi-ellipsoïde en tungstène. (a) : Schéma de la configuration modélisée. (b) : Variation avec le champ appliqué E de la température maximale Tmax et de la température au sommet Ta en régime permanent. δ=5kV/m, de sorte que δ/Eth=0.002%. (c):Distribution de température en régime permanent à Eth et (d):à Eth+δ. La quantité ΦN renseigne la densité de flux de chaleur évacuée par effet Nottingham à la surface d’émission.

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FIGURE 2–Influence de la statistique de croissance sur la contribution relative des émetteurs au courant total d’un réseau régulier de nano-cônes de carbone. (a) : Puce d’1cm×1cm gravé sur 1mm×1mm. (b) : Micrographie au MEB des nano-cônes de carbone sur la surface gravé. (c) : Schéma de la situation simulée (25 émetteurs issus d’un tirage gaussien sur la hauteur H et le rayon au sommet Rs). (d): Contribution au courant total Itot de chacun des 25 émetteurs au champ limite Elim juste avant la destruction thermique de l’émetteur n°10. J est la densité de courant macroscopique correspondante.

Bibliographie

[1] Seznec, Tiberiu Minea, Ph. Testé, Ph. Dessainte, G. Maynard – Theoretical Treatment of Electron Emission and Related Phenomena - ISBN: 978-3-030-98418-2/485780_1, Springer-Nature, 2022.

[2] Seznec, Ph. Dessante, Ph. Teste, T. Minea - Effect of space charge on vacuum pre-breakdown voltage and electron emission current - 2021 J. Appl. Phys. 129(15), 155102 – DOI: 10.1063/5.0046135

[3] Darius MOFAKHAMI. “Modélisation Multiphysique de l’émission Électronique Par Effet de Champ d’une Surface 3D Micro/Nano-Structurée”. Thèse de l'université Paris-Saclay, mars 2022.